Histoires de couples
Produit et écrit par Luk Pak-Sang, My Better Half (1993) pourrait être de ces œuvres inspirées d’un cinéaste n’ayant alors réalisé que majoritairement des films à la qualité discutable. Lam Yi-Hung livre ici un long-métrage en trois segments. Ils exposent, sur différentes périodes des histoires de couples en difficulté.
Dans le premier segment, le récit se déroule dans la première partie du XXe siècle. Dans une maison close, un client s’amourache d’une prostituée, Flora (Cindy Yip Sin-Yi). Ils décident alors de se marier avec le consentement de la mère maquerelle (Eliza Yue Chi-Wai). Mais alors qu’il consume le mariage, le mari meurt d’une attaque. Seule, Flora se laisse aller jusqu’à ce qu’elle retrouve son ancienne condition. Bientôt, l’esprit de son mari vient la hanter…
Ce premier segment de My Better Half frappe par un soin apporté aux décors ainsi qu’aux costumes. On n’oubliera pas de souligner la photographie soignée et une réalisation sans artefact pour narrer cette histoire d’amour tragique. Si le rythme se veut posé, à la limite d’une longueur qui échapperait à Lam Yi-Hung on parvient à être touché par le désarroi qui s’empare de l’héroïne. Pis encore après ces retrouvailles d’outre-tombe vouées à l’échec, et orchestrées par le thème musical de Wong Fei-Hung. Dans l’ensemble, Lam Yi-Hung parvient à dépeindre une romance avec les codes qui habitaient cette époque-là.
On notera, au détour d’une scène (qui dénote avec le reste du segment) un joli kancho fantomatique.
Le second segment semble s’inscrire dans le Hong Kong des années 60 ou 70. Un père de famille gravement malade est alité. Sa femme, Yin (Lee Yuet-Sin) tente tant bien que mal de subvenir aux besoins de la famille. Alors que son mari doit être hospitalisé, elle ne parvient à joindre les deux bouts. San (Eliza Yue), sa voisine arrange une rencontre tarifée avec un vendeur de poulets, Wang (Chan Kin-Yat). Alors qu’il va mieux, le mari accuse sa femme d’infidélité…
A l’image du premier segment de My Better Half, le second vaut également pour sa photographie et ses costumes qui nous font entrer de plein pied dans cette période historique. Si le récit, à l’image du premier se joue essentiellement en huit-clos, Lam Yi-Hung continu dans la même lancée. Il développe avec justesse les méandres d’une mère de famille qui tente de subvenir au besoin des siens. Le désespoir l’amène à se prostituer. Cet argent gagné permet à son mari d’aller mieux jusqu’à ce que la tragédie survienne. La conclusion de ce segment adopte un point final de fait divers qui montre tout le désespoir d’une famille vivant dans une misère certaine.
On notera l’incursion religieuse à travers le personnage d’un homme d’église qui fait écho aux pécheurs, et à un étonnant (ou presque) pardon du geste meurtrier.
Quant au dernier segment, il se déroule à notre époque, du moins celle du début des années 90. Une jeune femme, Ho Wai Lai (Lee Wai-Gwan) est arrêtée par la police qui l’accuse d’avoir assassinée son mari, Robert (Lee Chung-Ling). Cette dernière revient alors sur leur relation : leur rencontre dans un night-club alors qu’elle était hôtesse, leur mariage mais aussi des épisodes plus douloureux…
Cette dernière histoire de My Better Half s’inscrit dans la pure Category 3 d’exploitation. Elle s’additionne aux nombreux films traitant de fait divers sous un regard racoleur. Si le personnage principal semble fou, Lam Yi-Hung à une façon de le dépeindre non sans un certain respect. Dans un huit-clos, on suit une femme dépressive qui perd pied et s’enferme dans un monde qu’elle s’invente. L’auteur développe le portrait d’un dédoublement de personnalité avec les peurs de la rétrocession de 1997. Les flash-back mettent petit à petit en place le cheminement amenant au drame de ce segment. La conclusion de celui-ci est sanguinolente voire même surprenante quant à la résultante.
On notera pour l’occasion, un petit clin d’œil à The Untold Story (1993) dans cette façon de faire disparaitre un corps.
En conclusion, les drames amoureux voire familiaux que narre My Better Half ont tous ce point commun qui iraient à l’encontre de la bonne morale. D’ailleurs, à chaque fois, il y a cette sentence symbolique qui est infligé aux personnages principaux (des acteurs de seconde zone qui, dans l’ensemble ne se débrouillent pas trop mal) : une prostituée qui trouve l’amour, une femme qui trompe son mari et une autre qui perd tout à cause de sa schizophrénie. Avoir été prostituée ou s’adonner à l’adultère ne trouve d’autre conséquence que la déchéance ou la mort. Comme si ces situations ne permettaient à l’individu de les dépasser et ainsi vivre des jours meilleurs. En cela le constat de My Better Half est implacable. Il ne laisse aucune échappatoire et rend ce film d’une noirceur certaine.
Notons que les scènes softcore sont essentiellement présentes dans le premier et dernier segment.
Merci à Toto14 (VCD)