Punishment
Drame à l’humour noir, Taxi Hunter (1993) de Herman Yau Lai-To s’inscrit dans le vigilante où un homme part en guerre contre les chauffeurs de taxi…
Commercial dans les assurances, Kin (Anthony Wong Chau-Sang) va bientôt devenir papa. Un soir, tandis que sa femme (Perrie Lai Hoi-San) perd les eaux, il se met en quête d’un taxi. Le chauffeur refuse de les prendre et provoque un accident dans lequel la femme de Kin perd la vie ainsi que leur bébé. Son monde s’effondre et son ami policier, Chung (Yu Rong-Guang) ne parvient à le consoler. Kin décide alors de punir les chauffeurs de taxi qu’il rend responsable du décès de sa femme et de son bébé…
En voyant Taxi Hunter, on se demande bien ce que les chauffeurs de taxi ont fait à Herman Yau pour que celui-ci les charge de cette façon. Il dépeint le visage sombre d’une profession qui s’apparente plus à une forme de voyoucratie qu’à d’honnêtes artisans tentant de gagner leur pain quotidien. D’emblée le spectateur, s’il devait devenir futur touriste de l’ex enclave britannique appréhende déjà ce transport où ses chauffeurs arnaquent, rackettent, lorsqu’ils n’abusent tout bonnement pas leur clientèle de façon sexuelle. Le personnage d’Anthony Wong aux grés des circonstances va devenir le spectre de ces clients spoliés, et va alors se donner pour mission de venger les exactions commises par ces hommes agissant en toute impunité, aussi bien de jour que de nuit. Si le premier meurtre d’un taxi driver n’était pas prémédité, il agira comme une révélation et un moteur pour Kin excédé par un individu irrespectueux. Ce dernier développera, à ce moment-là un sens de la justice toute personnelle. Sa deuxième tentative qui reproduit par mimétisme le premier homicide sera un échec. Un peu comme si la machine à vengeance s’enrayait. Nouveau déclic pour Kin qui comprendra que pour mener à bien « sa justice », il doit avoir une hygiène de vie irréprochable. Elle passe par des exercices physiques et l’acquisition d’une arme à feu. Kin se professionnalise, la presse relaie ses actes et la police enquête.
Taxi Hunter se positionne dans la droite lignée des drames sociétaux, rappelant aussi bien les vigilantes comme Un justicier dans la ville (1974) de Michael Winner ou le Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese, mais ici et pour ce dernier titre un effet de miroir qui ne voit plus un chauffeur de taxi nettoyer la vermine du monde mais un homme lambda (un client) éradiquer les professionnels d’une profession peu avenant. Si Herman Yau développe un récit obscur, il entache également son histoire de soubresauts humoristiques, souvent ridicules et amusés comme s’il soulignait que tout ceci n’est qu’une mascarade, une comédie noire à sa sauce ensanglantée. Il met en scène le destin de Kin par étape, suivant le cahier des charges établit et en parallèle de celui de Chung, un policier casse-cou qui semble tout droit issue d’un actioner. Il fait équipe avec un policier débile (Ng Man-Tat), accoutré à la mode street wear qui lui, semble issue d’une comédie nonsensique à la Wong Jing. Les parties policières tranchant alors franchement avec les parties « plus thriller » du justicier Kin qui retrouvera dans le face à face final Chang, et où la place de leur amitié sera de mise. On pourra noter que, chacun dans leur registre les acteurs accouchent d’interprétations sérieuses.
Suintant le style propre de son auteur, Herman Yau Taxi Hunter initiait d’une certaine façon ses productions « déjantées » dignes d’intérêts à venir et qui furent pour certaines d’entre elles, comme The Untold Story (1993) ou bien Ebola Syndrome (1996) labellisées par le triangle aux trois barres parallèles et perpendiculaires.
L’affeux Martin m’avait dit que ce film avait été réalisé à une periode où les chauffeurs de taxi étaient particulièrement détestés par la population locale, par contre je ne me souviens plus de la raison de ce désamour… 🙂
Il doit sans doute et plus ou moins venir de ce qui est dépeint dans le film.
Il me semble aussi qu’il n’y avait pas assez de taxi à cette époque-là, une espèce de « crise » de la profession. Du coup, les chauffeurs avaient un ascendant sur leur clientèle. En gros, si t’étais pas content tu pouvais aller voir ailleurs. Les mecs ont dû adopter un comportement plutôt désagréable voire boderline par moment. Après, le père Herman a l’intelligence de ne pas tous les mettre dans le même sac mais il les fustige pas mal quand même.
En tout cas, lorsque je vois certains taxi parisien, j’ai du mal à ne pas repenser à ce film… 😉