Tribal
Second et dernier long-métrage mise en scène par Cheuk Ang-Tong, Marianna (1982) est un drame qui voyage entre Hong Kong et les Philippines et qui ne nous épargne aucunes effusions gores.
Lors d’un voyage d’affaires au Philippines, Yu (Chin Han) fait la connaissance de Marianna (Anna Maria), une jeune femme qui échappait alors à une agression. Après avoir passé la nuit à l’hôtel, Marianna s’en va sous la protection d’un proche. De retour à Hong Kong, Yu reprend le cours de sa vie avec Nancy (Sally Yeh Chian-Wen), sa femme et ses deux enfants. Mais après des heurts dont elle est la cause, Marianna fuie son pays et débarque à Hong Kong. Elle y retrouve Yu. Pour aider la jeune femme, il l’engage en tant que domestique. Bientôt, les rivalités tribales atteignent à nouveau la jeune femme…
Produit par Dennis Yu Wan-Kwong et Jeff Lau Chun-Wai, Marianna est écrit par le collectif Century Creative Group réunissant quatre scénaristes, dont Gam Bing-Hing le futur réalisateur de Pale Passion (1984). Marianna voit alors le jour en pleine nouvelle vague HK. Un an plus tôt, son auteur s’était déjà illustré avec un thriller d’action. Ici, il narre un récit dramatique où l’on assiste à une guerre tribale pour acquérir une jeune femme, la Marianna qui donne son titre au film. Entre le drame intimiste et le film d’exploitation exotique, Cheuk Ang-Tong enfante un film bâtard. Il raconte avec sensibilité le drame qui entoure Marianna, ainsi que ce couple de hongkongais engoncé dans un quotidien monotone. On y parle de vie de couple et par extension d’amour. Les années qui passent, la fidélité, le fait d’aimer encore ou non. Le personnage de Marianna agit comme élément perturbateur qui déclenche des mécanismes enfouies. Elle permet par sa présence et ses actes d’amener une remise en cause des liens qui unissent les personnages de Chin Han et Sally Yeh. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’ils se retrouveront l’un et l’autre, loin de la Terre qu’ils habitent. Les épreuves qu’ils endurent aux Philippines, terre vierge qui voit une page se tourner pour en écrire une nouvelle redéfinissent leurs sentiments. C’est une nouvelle naissance mais qui sera également synonyme de mort, à travers le sacrifice sous forme de rédemption.
L’aspect « exploitionniste » de Marianna, c’est dans cette façon de traiter cette guerre tribale qui semble mettre en scène d’anciens coupeurs de tête. Les philippins dépeints paraissent être de la région de Kalinga. Ils sont tatoués, vivent dans un coin reculé et agissent brutalement. Cheuk Ang-Tong joue habilement avec les peurs de l’inconnu. Il faut voir le personnage de Chin Han, marcher de nuit dans les rues glauques philippines. Que dire aussi de cette scène avec sa femme, à bord de leur véhicule, perdu au milieu de nulle part ? Il faut y voir Cheuk Ang-Tong doser habilement les tensions tout en retenues avant que la violence n’éclate d’un coup. La sécurité n’est plus assurée et le spectateur sait que tout peut arriver. Avant que Marianna n’explore et ne fasse exploser son atrocité sauvage dans le climax final, l’auteur distille des interstices sanglants. De Hong Kong aux Philippines, cette rivalité clanique n’a aucune frontière et renforce donc l’insécurité permanente. Le voyage initiatique de notre couple se transforme alors à une course contre la mort, où les personnages deviennent des « acteurs » à part entière. Des personnages passifs devenus actifs, une fois que la spirale des évènements ne les emporte. A partir de là, on sait et ils savent que leur vie ne sera plus jamais la même. La tragédie qui se joue alors pour cette jeune femme, Marianna, son entourage et notre couple de hongkongais n’en est que plus prenante.
Avec Marianna, Cheuk Ang-Tong livre une œuvre de bonne facture. Un long-métrage travaillé pour un cinéaste qui se cherche encore un peu, et qui ne semble pas avoir son film pleinement en main. Un second long-métrage qui adopte quand même un équilibre juste, aussi bien dans le fond que la forme. On regrette tout de même que la carrière hongkongaise de Cheuk Ang-Tong n’ait pas été plus étoffée. Il est fort à parier qu’il aurait pu apporter un regard cinématographique des plus singuliers dans cette industrie.
A noter que certains sites attribuent une troisième réalisation cinématographique à Cheuk Ang-Tong : The Mamasan (2001). N’étant pas sûr de cette info, je me base donc sur la fiche HKMDB lui correspondant et qui comptabilise deux long-métrages.
Merci à hkjaywalker (VCD)
**
Cartons débuts…
« Archives du Bureau de l’immigration de HK
Nom du voyageur : YU Kwok T’ai
No du Titre de voyage : C897213
Originaire du district de Panyu, à Canton
Né(e ?) le 7 juin 1949 »
« Profession : responsable commercial
Situation familiale : marié, un garçon et une fille ( ?) [phrase tronquée]
Motif du voyage : voyage d’affaires
Destination finale : Manille »
« Parti pour les Philippines avant le 21 avril 1981.
Depuis, il n’y a plus eu d’entrée sur le territoire »
Cartons durant le film…
« le 28 mars 1981 »
« le 20 avril 1981 »
Cartons fins…
« Le 29 avril 1981
Lan Xi ( ?) réussit à s’évader vers HK.
Elle ( ?) raconte toute l’histoire à la police.
La même année, Lan Xi émigre au Canada avec ses enfants…
Au Québec, elle ( ?) gère (désormais) un restaurant chinois
Ses parents s’installent aussi au Canada au début de l’année 1982. »
**
Merci à…
… pour les traductions.
Ca fait des années que je cherche après ce film…introuvable
Hum. De mémoire, il me semble que des VCD étaient trouvables sur des sites comme ebay.
Après, y a toujours moyen de le trouver en bootleg, notamment sur des sites chinois.
Me semble me souvenir qu’il avait été bien censuré celui là. Pas un chef d’oeuvre, mais les prod Dennis Yu / Jeff Lau de l’epoque étaient sympatoches quand meme
Si censure il y a eu, j’aimerai connaitre de quelle nature c’était. J’ai cherché un peu mais je n’ai rien trouvé à ce sujet.
Clair que ce n’est pas un chef d’œuvre et il est tout aussi clair que les prod’ des deux gus avaient ce quelque chose qui les rend notable, du moins vivement recommandable.