Orphans
Pour enfanter le récit de City Kids 1989 (1989), le producteur Clarence Yip Wai-Chung s’entourait de Jobic Chui Daat-Choh et James Yuen Sai-Sang. Il donnait alors les commandes de la mise en scène à Poon Man-Kit pour réaliser un drame historico-social sur les destins de deux jeune gens.
Alors qu’il n’est encore qu’un bébé, Chow Chor-San/Third fuit la Chine Continentale avec sa famille. Son père, Chow Wing (Wong Chung) est laissé pour mort. Il se retrouve vivre à Hong Kong avec sa tante, Chow Man Sau (Pau Hei-Ching). Enfant, il fait la connaissance de Sas dont le père, Big Skin Chuen (Shing Fui-On) est un malfrat. Une fois jeune adulte, Third (Max Mok Siu-Chung) sort d’un centre de désintoxication et retrouve son ami d’enfance, Sas (Andy Lau Tak-Wah) devenu un petit voyou. Les deux comparses se lancent ensemble dans les affaires…
City Kids 1989 offre un contexte historique digne d’intérêt puisqu’il est ancré à la fin des années 60. On y découvre des mainlanders tentant de rejoindre Hong Kong non sans difficulté et méprisé par une partie de l’administration locale. C’est le cas de la famille Chow : Wing, le père, Man Sau, sœur/tante ainsi que le personnage de Third qui grandira alors sans père. C’est le premier coup de semonce du destin du jeune garçon qui l’amènera aux évènements de 1967. Cette toile de fond laisse donc place aux affrontements violents entre sympathisants communistes et autorités hongkongaises. Dans le chaos des heurts, Third, enfant croisera le chemin de son père Wing. L’un et l’autre ne se reconnaissent pas. Là réside toute la tragédie de cette famille que les mésaventures ont séparée. A ce moment-là, Third trouvera sous les traits de Big Skin Chuen un père d’adoption. Cette filiation sera renforcé par le lien qu’il a développé avec le fils de ce dernier, Sas. A partir de cet instant, Third sera conditionné par le milieu dans lequel il vit. Il vivra de petites combines avec son acolyte, notamment en travaillant pour des trafiquants de drogue.
City Kids 1989 narre donc l’existence de ce duo de la débrouille, des « orphelins » qui agissent le plus souvent sans prendre conscience des conséquences de leurs actes. Ce sera le cas jusqu’à ce qu’un obscur épisode fasse de Third un accro aux drogues, suivit de la difficile réinsertion dans la société pour celui-ci, une fois sortie de son centre de désintoxication. Le tableau que dépeint Poon Man-Kit est sombre puisqu’il y montre une jeunesse conditionnée par ses actes et qui n’ont d’autres moyens que de survivre par l’illicite. Pourtant, l’auteur n’hésite pas à montrer une autre facette des mainlanders. Ainsi, la cousine de Third parvient à réussir professionnellement et le père de ce dernier reste un homme honnête, travaillant comme policier. Une profession qui l’amènera à arrêter Third, engoncé dans des histoires de proxénétismes. Touché par ce personnage et l’adversité qui est la sienne depuis la naissance, le spectateur n’en est que des plus frustré de voir ces deux individus se faire face à face sans qu’ils sachent la nature réelle de l’un et de l’autre. Père et fils s’opposant dans un jeu du chat et de la souris.
Plus qu’un banal film de jeune aux accointances mafieuses, Poon Man-Kit met en scène avec City Kids 1989 l’histoire d’une famille emportée par les troubles d’une époque. Il en dégage un récit fort sur les causes et conséquences, sur la tragédie humaine et l’adversité ainsi que les rapports sociologiques au travers d’interactions sociales. Les personnages et les intriguent exposées marchent parce que sa réalisation est maîtrisée et qu’elle est servie par de bons acteurs qui donnent un sentiment de réalisme à l’ensemble. Tout y est adroitement mis en scène, affrontements comme amitié, amitié comme idylle amoureuse. L’œuvre est intéressante pour son contexte de l’époque et le destin de ces deux jeunes qui vivent avec l’illusion de la réussite par l’illicite. Le final n’en est que plus dramatique…
Merci à oldpompous (DVD)