Drame, Triade

Lantern (1994)

Bienvenue en Enfer

Après un premier long-métrage remarqué et malheureusement méconnu – l’histoire d’un voyou plongé dans une spirale criminelle sans espoir de s’en sortir, – Lau Ga-Yung mettait en scène comme troisième et dernier film Lantern (1994). Il y narre le récit d’une famille dont le fils ainé, souhaitant devenir un gangster joue dangereusement avec sa vie.

Man (Dickson Lee Ga-Sing), sa petite-amie et deux de ses amis désirent percer dans le crime. Ils sont toujours prêts à en découvre avec qui que ce soit jusqu’à se mettre à dos un caïd, Fai (Lawrence Ng Kai-Wah). Les parents de Man, Yung (Ng Man-Tat) et Han (May Law Koon-Lan) gagnent leur vie comme restaurateur et ont un ancien passé criminel, au grand dam de leur fille, Fong (Athena Chu Yun) qui n’assume pas cet état de fait. Yung embauche Fung (Max Mok Siu Chung) qui vient sortir de prison…

Poursuivant sa démarche engagée, quant à la vision qu’il donne de la petite et grande criminalité, Lau Ga-Yung fait de Lantern un film propagandiste tentant de pousser à une réflexion sur la dérive de la jeunesse et des infrastructures criminelles profitant d’elle. Il serait réducteur de voir en Lantern le pendant négatif de ces films de gangsters les glorifiants qui serait, ici une espèce de produit formaté, et par le biais duquel le gouvernement ferait sa propre communication. En gros, « les Triades c’est le Mal, restez sur le droit chemin. » Lau Ga-Yung prend position, c’est certain. Pas tant pour brosser les institutions publiques dans le sens du poil mais comme un artiste qui dénonce des dérives palpables d’une société et d’une industrie cinématographique. Il exècre le culte voué par une partie de la jeunesse à ces entreprises mafieuses et montre alors les causes et conséquences des actes de tout à chacun, mais malgré tout le fait qu’une échappatoire est également possible. Le personnage campé par Ng Man-Tat en est un symbole parlant. S’il a du mal à joindre les deux bouts, lui ancien criminel mène tout de même une petite vie d’entrepreneur rangé avec sa femme. Il y engage d’anciens délinquants passés par la case incarcération. Il recrutera d’ailleurs dans son établissement Fung, joué par Max Mok qui vient justement de sortir de prison. Une nouvelle vie après des actions criminelles est donc possible si l’on a la force de leurs tourner le dos. Certes, les choses ne sont pas faciles et nos personnages sont mis à rudes épreuves mais une alternative existe bel et bien.

Là où le point de rupture de Lantern intervient, c’est dans la fougue de la jeunesse représenté par le personnage de Dickson Lee Ga-Sing. Ses parents n’ont plus aucun ascendant sur lui. Il mène une existence vide, se rêvant comme un voyou qu’il n’est pas et entouré d’amis tout aussi perdus que lui. Il sera l’élément déclencheur qui ternira le tableau. Ses agissements délinquants (les causes) seront les actions malveillantes qui ruinent les vies d’honnêtes citoyens (les conséquences). D’une part, Lau Ga-Yung montre une jeunesse égarée mais aussi leurrée par le choix de mauvais repères. De l’autre, il y dénonce l’aspect néfaste que représente le crime, le cancer de la société, ce mauvais exemple. Pour se faire, il use d’une histoire classique pour une narration qui l’est tout autant. Cela ne l’empêche pas d’y adopter un regard artistique profond et ainsi de livrer une mise en scène bien pensée. S’il est question d’un choix cinématographique fictionnel, il est surprenant de le voir conclure son métrage par une scène qui rappel une réalisation de documentaire. L’un de ses personnages s’exprime quasiment face caméra. Il est interviewé et revient sur ses choix qu’il regrette et qui l’ont amené là où il se trouve. A travers cette ponctuation aussi brève qu’elle soit, Lau Ga-Yung tente de faire prendre conscience de combien il est important de prendre le recul nécessaire de ses actes, de réfléchir avant d’agir et ainsi de ne pas le(s) regretter toute sa vie. Une ponctuation qui a en elle une force peu équivoque, tant elle évoque ces « choses » perdues qu’il sera impossible de retrouver. Une façon de demander, aussi si le jeu en vaut vraiment la chandelle.

Film conscient au propos engagé fustigeant le pouvoir d’attraction des Triades auquel participe notamment l’industrie du cinéma, Lantern atteint son objectif. S’il n’est pas exempt de défaut, il est largement sauvé par l’audace de son auteur qui par son sujet et sa peinture urbaine continuait à faire échos à (son) The Black Wall (1989).

A noter que cette version est censurée, aussi bien visuellement (insert noir) qu’au niveau de l’audio (bip).

lantern_peloche

Fiche du film.

Merci à Supavince (VCD)

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2 réflexions sur “Lantern (1994)

    • J’ai pas non plus pigé/accroché ce délire autour de cette censure. C’est plus à chercher du côté de la classification. Sans elle, il est possible que le film ait été classé Cat.3. D’ailleurs, le film se retrouve dans le book de Julien Sévéon en tant que tel. A contrario, les sites de données te le classent en II. Du coup…

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