… hearts burn like flames…
Artisan de talent qui aurait mérité une toute autre reconnaissance, Tsui Siu-Ming signait avec Mirage (1987) son cinquième long-métrage. S’il est surtout connu comme chorégraphe – il exploite d’ailleurs son savoir-faire à merveille ici – il montrait également une certaine vision de cinéaste aux commandes de ce film.
Après la Révolution d’Octobre en Russie qui a amené des monarchistes à fuir le pays, certains d’entre eux sont devenus des brigands sur la route de la soie. Alors que des voyageurs empruntent ce chemin comme le photographe Tong Ting Hsin (Yu Rong-Guang), ils sont attaqués. Après cet assaut, les survivants assistent à l’apparition d’un mirage qui leur montre une jeune femme sur un cheval. Tong parvient à prendre quelques clichés de l’inconnue et une fois rentré chez lui, il se met en tête de la retrouver. Il motive son ami Mao Da Wai (Tsui Siu-Ming) à le suivre. Les deux comparses se mettent alors en route, mais avant ils s’arrêtent à Shanghai pour récolter des informations qui pourraient leur donner quelques pistes…
Co-production entre la Chine et Hong-Kong, Mirage est de ces grosses productions qui se donnent les moyens de faire les choses en grand. Elle souffle un vent épique et enivrant. Un film d’aventure avec son trop plein d’action, distillée intelligemment avec des cascades périlleuses et des centaines de figurants aux milieux d’explosions aussi folles que les risques pris par les cascadeurs. Le contexte se déroule dans de superbes paysages nous emmenant vers la découverte de différentes minorités qui composent cette partie du monde. Je pourrai énumérer ici toutes les prouesses spectaculaires prisent par les acteurs, figurants, cascadeurs d’un métrage qui ne semble se donner aucune limite, si ce n’est celle de la mort. On sort souvent halluciné de la désinvolture et de cette extravagance dont font preuve ces artisans du cinéma. Ils n’ont unique but que de divertir et en mettre pleins les yeux. Il y a une générosité incommensurable dans cette volonté de nous évader du réel pour nous plonger dans cette aventure cinématographique, véritable quête du désir. Mirage, c’est donc la quête d’un homme qui tombe amoureux d’une image, celle d’une jeune et jolie jeune femme à l’aura énigmatique. Tsui Siu-Ming narre la motivation aveugle de cet homme, un aventurier qui semble avoir tout vu et connu, mené par ce fantasme incarné par le mirage. Il abandonne alors tout ce qu’il a pour se jeter corps et âme dans cette quête de l’impossible. Une quête qui l’emmènera sur des chemins dangereux jusqu’à l’atteindre et en découvrir l’amer réalité. Le fantasme de l’amour se transforme en un simulacre bien cruel où les apparences peuvent être trompeuses. Il est amusant de noter que la tyrannie est ici incarnée par la beauté d’une femme. Nous ne sommes jamais bien loin d’un propos métaphorique qui alerterait sur la nature réelle des choses. Et voir cette tyrannie dynamiter en toute fin de film pourrait être perçu comme une marque contestatrice contre tout pouvoir totalitaire. Tiens, tiens, est-ce que Tsui Siu-Ming ne dynamiterait pas la République Populaire de Chine (co-productrice pour rappel) de l’intérieur, comme ses personnages dans le repère/demeure de ces bandits despotiques, également assiégé de l’extérieur par un peuple (les minorités) opprimé ? Il est toujours amusant de voir un pouvoir dictatorial vacillant et renversé, encore plus lorsqu’il s’agit du lieu où il prend racine.
Souvent impressionnant par l’étalage de son action intense et extravagante, Mirage n’échappe pas à quelques petits défauts, tels qu’une baisse de rythme (le ventre mou du film) ou des scènes un peu trop tirées manquant de véritable tension (jeu du bouzkachi, entre autre). Sans ça, on y parle d’amour, d’amitié, de sacrifice aussi, et peut-être même de politique selon le point de vue devant lequel on se place…
Merci à lordretsudo (LD/DVD, VASTJ+A)
Et à Toto14 (VCD)