La Samouraï
Ancien assistant-réalisateur de John Woo sur des films comme A Better Tomorrow (1986), The Killer (1989) ou encore Hard Boiled (1992), Patrick Leung Pak-Kin signait avec Beyond Hypothermia (1996) son deuxième long-métrage. Un polar produit par Johnnie To Kei-Fung et sa Milkyway Image.
Une tueuse professionnelle (Ng Sin-Lin) sans identité et à la particularité d’avoir une température corporelle 5° en dessous de la moyenne fait la connaissance d’un vendeur de nouille (Lau Ching-Wan). Pour la première fois de son existence, elle envisage de changer pour enfin rattraper le temps perdu. Mais c’est sans compter sur la vengeance d’un garde du corps coréen (Han Jae-suk) qui se met à sa recherche après l’assassinat de son boss…
Beyond Hypothermia est loin d’être un film irréprochable parce qu’imparfait sur plusieurs points, éléments qui peinent à rendre l’entreprise réellement prenante. Il y a une chose indéniable avec ce polar, c’est qu’il est visuellement réussi. Il est un polar stylisé qui se transcende dans l’action. Mais ces séquences ont leur limite dans un ensemble qui ne convainc pas toujours. Que l’histoire soit simple est une bonne chose. Le pitch communique même un attrait singulier, celui de voir une tueuse dont la température corporelle est plus basse que la moyenne. Mais de ce handicap, on n’en tirera rien de concret. Si ce n’est appuyer l’état d’esprit de la tueuse. Oui m’sieurs, dames, c’est une tueuse froide et impassible ! Il est décevant que le scénariste et son metteur en scène n’en tirent pas quelque chose de plus abouti. C’est notamment le cas sur sa solitude. Ils préfèrent s’arrêter sur une métaphore poussive, poussive comme celles nous montrant un amour naissant, celui avec le vendeur de nouille qui lui réchauffe son cœur tout froid avec ses nouilles… toutes chaudes. Au-delà de ça, l’histoire romantique qui en découle n’est pas anodine. En effet, aussi impassible qu’elle soit à exécuter ses contrats, notre tueuse découvre l’Amour. Un amour inattendu qu’elle n’aurait jamais pu rêver, même si peu crédible en soi mais c’est la magie du cinéma et la magie parvient à opérer (sans doute dû au capital sympathie des acteurs), même si c’est souvent niais. Patrick Leung met alors en scène une histoire mélancolique qu’il agrémente d’une bande-son parfois inspirée. A travers deux scènes, on est touché par le souhait de cette tueuse de rattraper une enfance qu’elle n’a pas eu. L’auteur y dénote une sensibilité qui contraste avec la violence des scènes d’actions. Ce rapport de force des sentiments marche et nous accroche à cette histoire qui prend alors un virage malheureux.
Il vient un moment avec Beyond Hypothermia où l’on quitte le cinéma pour se retrouver dans un drama bas de gamme. La partie coréenne plombe véritablement le film, pas tant dans l’exécution du contrat qui joue habilement avec la tension, gros point fort de ce long-métrage mais avec ce personnage de garde du corps voulant se venger à tout prix. Ce personnage même, le jeu de l’acteur, certaines situations sont risibles. En tous points, on a l’impression de voir une grosse caricature télévisuelle qui n’a plus grand-chose à avoir avec ce qu’était Beyond Hypothermia jusqu’alors. Le plus gros préjudice est de nous sortir de ce film, de son histoire. La surprise de ces passages se mue en agacement consterné. On pourrait presque comprendre en off que ce garde du corps entretenait une relation avec son patron exécuté. On comprend que sa vengeance est motivée par cet amour perdu. Mais cette autre histoire plombe celle de notre tueuse, du moins elle aurait mérité un tout autre traitement. Parce qu’à aucun moment, Han Jae-suk n’est plausible comme le personnage qu’il campe. A aucun moment, il parvient à avoir notre empathie. Le scénario avait besoin d’un personnage venant troubler sérieusement la vie tout en mouvement de notre tueuse, et il y avait également le besoin de satisfaire les co-producteurs coréens. A partir de là, il y a comme un coup de froid, sans jeu de mot pourri avec le titre ou les 32°c de notre tueuse. Un froid comme cette relation réalisateur/producteur. Patrick Leung désapprouvant en définitive son film parce que Johnnie To faisait son Tsui Hark (remember The Big Heat où il subissait lui-même cette situation) en ajoutant des scènes (plus sombres) et en altérant donc la vision de son auteur. Le sieur se saurait occupé de terminer le tournage en Corée, en modifiant toutes cette partie. Le résultat n’est malheureusement pas au rendez-vous.
Beyond Hypothermia a la mise en scène qu’il faut. Il y a là quelques scènes d’actions qui donnent à voir, jusque dans les idées employées, souvent inventives. Il y a un casting qui répond présent, exit le coréen. Il manque juste un travail d’écriture pour rendre l’ensemble cohérent. Beyond Hypothermia est une série B qui se tient, à défaut d’être un polar de renom.
Merci à ultrafan08 (DVD)