Drame

A Day Without Policeman (1993)

Trauma’

Il existe une certaine barbarie dans A Day Without Policeman (1993). Elle existe dans les actes pour garantir le label Cat. III certes mais cette barbarie existe surtout et avant tout dans l’atmosphère moite et malsaine. Elle existe dans les non-dits, le hors champ, l’environnement dans lequel sont plongés les personnages. Cette barbarie s’immisce petit à petit dans notre psyché, contaminée par l’ambiance. Oui cette barbarie n’est pas dans les images (du moins une partie, la plus glauque) comme bon nombre de film. Ici, elle se trouve en nous. De ce fait plus que toute autre film, la lecture de A Day Without Policeman demande une intention toute singulière. Johnny Lee Gwing-Gaai enfante dès lors un Category 3 à placer sur le haut du panier de cette classification devenue label à part entière.

Dans un village reculé, l’officier de police Chan Wai traîne au fond de lui un évènement qui l’a traumatisé. Sa vie et la tranquillité du village vont bientôt être ébranlées, suite au viol et à l’assassinat d’une jeune femme chinoise. Le mari de la victime fait alors appel à des chinois du Mainland pour la venger. Ces derniers arrivent armés jusqu’aux dents, prêts à faire couler le sang de la vengeance…

La mise en scène se veut sobre, le scénario lui n’est pas aussi simpliste que ça. Une autre qualité de A Day Without Policeman concerne ses acteurs. Un en particulier. Simon Yam Tat Wah qui livre ici l’une de ses plus grandes performances dans les productions Category 3 auquel il a collaboré. Il endosse ici les traits d’un anti-héro par excellence, impuissant de surcroît. Il est lâche, peureux, rongé par un traumatisme dont il ne peut se défaire mais aussi envahi par les doutes. Ce traumatisme dont il ne peut parler à cause de sa condition d’homme mais surtout son statut de flic cause petit à petit sa perte. Ce gouffre dans lequel il s’enfonce, il en est conscient mais se sait incapable de le surmonter. Il voudrait pouvoir se libérer de ce poids (ses peurs et ses démons). Il aimerait le crier au monde qui l’entoure mais quel serait le regard de ce même monde vis à vis de sa double condition ? La peur d’être mise au ban de la société l’oblige à taire ce mal être, ce traumatisme. Il est un homme. Il est ce policier hongkongais castré (impuissant mais également fétichiste des jambes) par la future mainmise du Mainland. Cette main qui se resserre sur ce bout de terrain qu’est Hong Kong, le grand capital. Ce personnage exprime le traumatisme de la toute grande et puissante République Populaire de Chine à quelques années de récupérer l’enclave britannique. Il est là le traumatisme de cet AK47 dont les balles chinoises sifflent dans ce couloir de la mort (scène de l’immeuble). Là où le personnage de Simon Yam voit mourir les siens. Scène pré-cognitive ? On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. 1997 est passé, tout semble se passer dans le meilleur des mondes mais… jusqu’à quand.

A Day Without Policeman est très, très loin d’être parfait. Il souffre de plusieurs défauts qui donnent à l’ensemble un aspect foutoir et plutôt distrayant. Si des fois, on est de nature facile cela va de soit. Si ce n’est pas le cas, on risque d’être dépité par le spectacle que le film offre. Pour ma part, je retiendrais sa folie destructrice et le sentiment profondément pessimiste qu’il dégage.

Une spéciale pour Simon Yam qui a un amour sans partage pour ses chiens. Mais aussi cette scène entrecoupée de flash-backs où il fume sa pipe alors que se joue les prémices de l’infâme. Cette scène est d’une beauté incroyable. J’aime le cadrage sur son visage et ses yeux vitreux. Cette tête posée sur le mur assailli d’images du passé qui montrent toute la douleur d’un personnage qui n’a plus d’identité. On sent la dérive palpable s’apprêtant à s’abattre, tout autant que le refus d’y faire face.

Fiche du film.

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14 réflexions sur “A Day Without Policeman (1993)

    • Intéressant Supa’… viet ? Les méchants ne sont pas viet (enfin sauf si un truc m’a échappé), ils sont de Chine pop’ ! 😉 En même temps pour faire gros boeuf, les asiat’, ils se ressemblent tous, hein ?! Mouarf !

      Je ne le dirais jamais assez, A Day Without Policeman n’est pas reconnu à sa juste valeur. OK, on n’échappe pas à des scènes toutes pourries mais quand même… méchamment abîmé de toute part sur SC et consorts…

  1. Ah merde! A moins que je confonde avec un autre film… mais pourtant dans mes souvenirs, c’est Tommy Wong qui fait appelle à ces potes pour se venger du viol de sa femme et qui dans ma mémoire viennent du Vietnam… Bon. A vérifier… mais je peux me tromper, avec la masse que je visionne, ça peut facilement s’embrouiller la haut! ^^

    • T’as le bon pitch ! Mais pas la bonne nationalité. 😉 Ils sont chinois ces saletés de tueurs, des chinois du continent qui viennent faire main basse sur l’ex enclave britannique ! 🙂

      Sinon, t’as pas mal de méchant viet dans pas mal de prod’ HK. Si c’est pas les uns, ce sont les autres. Les méchants sont souvent étrangers dans la cinématographie HK mais là, je ne t’apprends rien. Le hongkongais xénophobe ? Non à peine. 😉

  2. Ben écoute, non, je crois que c’est toi qui te trompe… Le temps que je retrouve le film dans mon bordel, ça va être trop long mais un coup d’œil vite fait sur d’autres critiques à droite à gauche sur le web vont dans mon sens. Tommy Wong et sa femme sont de réfugiés vietnamiens…
    Donc c’est dans ta tête que ça s’embrouille finalement, pas la mienne! 😉

    • Il n’y a rien qui s’embrouille dans ma tête mon cher ami ! ^^ Je ne me trompe pas mais alors pas du tout. Pas sur ce film. Peut-être d’autre mais lui… impossible. J’ai une relation singulière à cette œuvre. Tommy Wong n’est pas un réfugié viet mais alors pas du tout. D’une, c’est un pêcheur et il est chinois ! De deux, ancien combattant durant la guerre du Vietnam. Nuance. Là est sans doute née la mauvaise interprétation de ce que tu trouves ici et là. Les mecs auquel il fait appelle pour la vengeance, ils viennent du Mainland. Tu veux de la réf’ au sujet de ADWP voit avec moi et oublie le reste 😉 On pourrait croire que je me la joue mais loin de là. Ce film je l’avais déjà étudié y a une dizaine d’année du haut de mes 19-20 piges. Lorsque je l’ai revu pour en écrire une chro’ pour M.I.A., je l’ai à nouveau disséqué.
      On n’est pas ici dans Boat People de Ann Hui qui utilise le Vietnam pour réaliser une métaphore sur la Chine populaire… là on est encore dans autre chose.

  3. Martin dit :

    Attention débat! :p
    Pas trop de souvenirs de vietnamiens dans les Cat3, c’était surtout des mainlanders .. l’angoisse du retour à la mère patrie. On les voyaient plutôt dans les prod early 80s (aussi bien niveau auteur que exploit’)

    • 1ère rencontre entre Yam et Wong. Ce dernier lui dit être un pêcheur, il lui montre son permis. On sait donc que c’est un pêcheur. Bon ça, à la limite on s’en fiche. Ensuite…
      Après la 1ère agression sur la femme à Wong par le groupe d’auto-défense, l’un des villageois se rend compte qu’il a perdu son portefeuille. L’un de ses potes lui dit : « It must be stole, by that chinese before… » Certain de s’être fait voler par Wong et sa femme, le membre du groupe d’auto-défense s’en va demander des comptes avec ses potes. Scène qui suit. Wong balance à sa femme : « Return to China ». Wong qui a vu le portefeuille que dissimule sa femme, lui fait la leçon et décide de le laisser sur le quai. Au même moment, il se fait interpeller par les membres du groupe d’auto-défense qui balancent un : « You chinese gay stolen ! »
      On chope toutes ces infos dans les 20 premières minutes. Je te fais pas tout le film… 😉

      Comme le dit Martin, les Cat.3 c’était surtout les Mainlanders les cibles. Dans les années 80, la cible étant plus les viet’, une façon détournée pour s’attaquer e plus souvent à la Chine pop’. A l’époque la censure britannique refusait qu’on parle du grand voisin justement. Avec la nouvelle classification, y avait plus le problème de coupe ou d’interdiction. Du coup, on pouvait nommer ouvertement le « Mal ».

      • Martin dit :

        J’avais lu que les films Taïwanais critiquait le Communisme dans leur film du début 80s et jouait sur les fantasmes que generait de la Chine,

        « Known at the time by the polite description « social-realist crime films, » the genre was a broad church, combining over-the-top sexual and physical violence with stories involving either political or economic gangsterism. Coming at a time when the youth romances of the ’70s were virtually played out, these exploitationers began with crimer « The First Error Step » (1979), purportedly based on a true story, and widened with Jo Jo Wang’s « On the Society File of Shanghai » (1981), which incorporated the latest craze for « scar literature » (anti-communist Mainland writings).  »

        Pour éviter la censure, il ancrait apparement aussi certaines de leur productions à Hong Kong (mais pourtant tourné à Taiwan)

        « Some films would also be shot at home but set in Hong Kong, thus making the content in them seem less of a criticism of Taiwanese society and less likely to face the wrath of censors. »

        et enfin le classique:
        « companies would also try to pass off the violent content of their films as being presented in the name of Taiwanese patriotism, thus making these bits necessary to the storyline. »

  4. Super intéressant ces extraits Martin. Il me semblait être tombé sur des textes similaires lorsque je faisais des recherches sur la nouvelle vague taïwanaise notamment sur le cinéma qui l’avait tout juste précédé. Je me posais d’ailleurs la question de savoir s’ils avaient développé une même forme de critique à l’égard du Japon mais je n’ai pas trouvé grand chose de significatif à ce sujet-là.

    T’inquiète Supavince ! On est tous plus ou moins pollué. Jamais évident de trouver des infos sur un film d’ailleurs (enfin surtout ceux qui nous intéresse). Et ce qui est malheureux c’est que souvent des infos sont reprises d’un site à un autre sans même vérifier leur fiabilité. La source se trompe et c’est la chaine qui est contaminée. Je t’apprends rien. Je ne m’étonne même plus des erreurs que je peux trouver sur les fiches de film ici et là.

    En aparté. Quant aux anglo-saxons et en particulier les amerloques que j’adore puisque j’aime les gens. 🙂 Avoir vu il y a quelques années un sondage où beaucoup disaient de la France que c’était un état américain m’a définitivement convaincu qu’on ne pouvait leur faire confiance en géographie ! 😀

      • Je me souviens vaguement de « Final Victory ». Je verrais « Nomad » prochainement pour m’en faire une idée. 😉 Sinon, je me rappelle également de « Zodiac Killer » en ce qui concerne Ann Hui et le côté caricatural du pays du soleil levant.
        Après, on pourra toujours causer des films de T. F. Mou Tun-Fei assez hard envers les japonais. Enfin pas tous non plus, il cible les militaires ainsi que leurs atrocités du siècle dernier.
        Quant au Morishige Akira, connais pas du tout. Il m’est arrivé de percevoir des titres comme « Kitchen » et « Hong Kong Night Club » en surfant mais je ne sais pas ce que ça vaut.

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