Drame, Epouvante/Horreur

Bloody Beast (1994)

Dr Jekyll et Mr Hyde

Bloody Beast (1994) de Richard Yeung Kuen est de ces films hongkongais qui créaient une certaine imagerie de la Chine continentale, celle avant la rétrocession. Ces films qui nous montraient les femmes chinoises comme vénale et de petite vertu. Quant aux hommes, ils étaient pour la plupart des sanguinaires, braqueurs notoires. Le cinéma hongkongais n’a jamais caché une certaine xénophobie latente. Une empreinte qui s’est avérée persistance dans les films classés en Category 3, terreaux de tout les excès et de toutes les dérives.

Cette classification a permis l’émergence d’un cinéma défouloir qui n’hésitait pas à prendre comme protagoniste son grand voisin ; d’autant plus avec la perspective de la rétrocession qui se profilait au loin. Bloody Beast n’échappe alors pas à cette vision fabriquée et fantasmée d’une Chine lugubre entre ses assassins psychotiques et une police retord. Pourtant si Bloody Beast participe à la peinture de ce tableau noir sur la Chine communiste, il s’en dégage une certaine qualité. Certes, nous ne sommes jamais bien loin d’une production proche d’un téléfilm dans la forme mais il y dans le fond ce petit quelque chose qui le rend « attrayant ». Ici, Richard Yeung Kuen – à qui l’on doit entre autre China Girl (1993) et qui en rajoutait déjà une couche sur les chinoises du Mainland – garde une certaine distance avec ses personnages, ne prenant aucun parti et développement son récit sans justifications. Un morceau qui nous est livré à l’état brut. Action !

L’acteur Lawrence Ng Kai-Wah (connu pour son rôle dans Sex and Zen, 1991) endosse le rôle d’un « homme à la maison », Chen Siu Hsiong. Sans emploi et de nature faible, son quotidien est régi par les tâches ménagères d’un foyer à trois qu’il partage avec son père et sa petite sœur. Le premier travaille au champ toute la journée, la seconde passe son temps à se faire peloter par son petit ami. Son père ne le comprend pas et une incommunicabilité s’est instaurée entre eux. La relation avec sa sœur est tout aussi tendue puisqu’elle ne lui donne pas une once de respect. Il est la risée des gamins du coin et ses voisins ne le trouvent pas « normal ». En effet, c’est un homme et il se comporte en ménagère modèle. Si nous ne le découvrions pas en cellule au début du métrage, nous pourrions en rester là et laisser ce brave type sans personnalité dans sa souffrance silencieuse. Bloody Beast reprend ici une trame quasi-similaire à un Daughter of Darkness, sorti un an avant. Un long flash-back va alors revenir sur ce qui a amené le personnage principal derrière les barreaux. Chen Siu Hsiong se raconte à des policiers peu finauds dont l’un est tenu par « la magnifique » sale tronche qu’est William Ho Ka-Kui.

Si le personnage de Lawrence Ng Kai-Wah semble être une victime comme l’était Lily Chung dans le film de Ivan Lai, un élément perturbateur va déclencher une folie meurtrière en lui. Il va se muer en un assassin prenant pour cible des jeunes mamans qui ont des bébés encore allaités. Trauma du à l’enfance ? Sans doute. Richard Yeung Kuen comme bon nombre de ses collègues hongkongais ne se préoccupent guère de se pencher là-dessus, préférant les conséquences à mettre en scène. Bloody Beast offre alors un premier meurtre d’une violence inouïe et gagne sa classification triangulaire marquée au fer rouge. Violent, sanguinolent, pervers et corps dénudés sont la panache de cette œuvre horrifique ponctuée par une musique participant à l’ambiance flippante. Lawrence Ng Kai-Wah aka Chen Siu Hsiong pénètre de plein pied dans une spirale meurtrière qu’il ne peut refréner. Il se mue en son double sanguinaire par une transformation vestimentaire tout en s’armant de son marteau. Il retire ses lunettes, se coiffe d’une casquette et s’habille d’une tunique assortie. L’objet de la mort (le marteau) devient un objet fétichiste, extension de son sexe frustré au passage à l’acte. Et du même coup, comment ne pas penser à une image métaphorique d’un système communiste, l’idéologie (le vêtement du tueur et son marteau, ne manquant que la faucille) assassinant ?

Le dénouement de Bloody Beast se révèle comme un soulagement pour Chen Siu Hsiong. On sent le personnage tiraillé et ravi que sa part sombre soit stoppée dans son élan. Ce film divulgue la part obscure en tout à chacun. Il est intéressant de découvrir sur la fin un Chen Siu Hsiong traqué et « malade » dont son père jusqu’alors évincé (et ne voulant pas voir) perçoit enfin sa détresse. L’amour père/fils réside contre et envers tout, élément déclencheur du rapprochement. Il en sera malheureusement trop tard (comme souvent dans ces productions) pour ces personnages que le Mal aura dépassé et fait prisonnier de sa coupe. La rédemption, on la connaît et ce dernier plan est lourd de sens.

Terminons par la réplique qui tue du film : Always plays with boys, you’lle be a whore in future.

On notera la présence au casting de l’actrice Fan Oi-Git. Elle interpréta notamment avant ce rôle de sœur irrespectueuse à la nudité facile, la femme violée et assassinée du personnage joué par Tommy Wong Kwong-Leung dans A Day Without Policeman (1993).

Fiche du film.

Merci à MalMal (VHS)

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12 réflexions sur “Bloody Beast (1994)

  1. Snif, quel dommage que tu n’aies jamais voulu nous rejoindre 😦

    Bon courage pour ton site en tout cas, si tu veux qu’on te mette en lien en page d’accueil de Hkmania, fais le moi savoir 😉 Et si tu veux qu’on fasse voire même une petite news pour le faire « connaitre », fais le moi savoir également 😉

  2. J’essaie d’être présent en tant que lecteur, c’est déjà pas mal. 😉 Et puis j’essaie également d’être présent sur le forum (même si le temps vient parfois à manquer).

    Sinon merci Cherycok, tes propositions sont très sympas. On verra tout ça plus tard, j’en prends note en tout cas. On va tâcher d’étoffer cet espace avant. 🙂 Sans ça, je ne serais pas contre faire un « featuring » sur le blog HKM dans le futur. 😉

  3. Tu l’aurais sans doute apprécié sans l’enflammade, c’est clair. Je viens de lire son avis justement. Ouais, il a surement craqué. 🙂 Sacré Guesar, c’est tout lui. Lorsqu’on connait, on sait à quoi s’en tenir. Y a de bonnes choses attrait à la Cat.III dans Bloody Beast mais ça s’arrête là. Je n’irai pas jusqu’à écrire qu’il est « dans le top five du trash made in HK » comme lui. N’empêche, je l’ai bien apprécié comme un p’tit film au-dessus de la moyenne.

  4. @ cherycok2fois : une p’tite participation à l’occasion pour Hkm. 😉
    @ cherycok2fois(encore) : merci, c’est cool ! ^^ Un coup de pouce bienvenu.
    @ Supavince : Bizarre… je n’ai eu qu’un mail pour chaque com’ de mon côté. Un p’tit bug passager sans doute comme cela arrive de temps à autre sur les plateformes de blog. Je te remercie tout de même pour l’alerte mais je suis malheureusement impuissant. 😉

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